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Bertha Saveniers : Dialogue avec une sculpteur adventiste en Belgique Bernard Sauvagnat
Quest-ce qui vous a conduit à choisir les arts et la sculpture ? Jai été élevée par ma mère, mon père étant décédé lorsque javais trois ans et demi. Elle était sensible et affectueuse. Tous les dimanches, elle nous emmenait promener le long de lEscaut, cette grande rivière qui traverse la ville dAnvers. Jy ai observé la beauté paisible des bords de leau. Elle nous a familiarisés avec toutes les formes de culture, nous conduisant dans les monuments historiques, les musées, les bibliothèques, les conservatoires, les théâtres et les cinémas. Cest ainsi que jai pris goût aux arts graphiques. Jai commencé par dessiner, en particulier des modèles pour la couture. Mais, tout en étudiant le dessin, jai choisi la sculpture parce que jaime les formes, et ne peux me contenter de les représenter à plat. Vous avez un style particulier. Comment lavez-vous forgé ? Cest un long processus. Il y a, bien sûr, mes goûts personnels, mais aussi linfluence des professeurs que jai eu le privilège davoir. Mes voyages en Italie et en Tchécoslovaquie ont certainement contribué à ma formation, de même que les cultures moyen-orientales et africaines auxquelles je me suis particulièrement intéressée. Je crois que le désir de produire un travail bien fini ma beaucoup aidée en me donnant la persévérance et lapplication nécessaires. Et puis, il y a surtout ma quête de Dieu. Je suis fortement imprégnée par le message biblique et par le fort sentiment de la présence du Dieu de lamour et de la beauté. Vous nêtes pas née dans une famille adventiste. Comment avez-vous rencontré Dieu ? Et comment êtes-vous entrée dans lEglise adventiste ? Ma mère était une catholique sincère et pratiquante. Elle était très occupée par léducation de ses enfants qui reposait sur elle seule. Elle sappuyait sur le Père spirituel pour cette tâche, car le père humain manquait. Elle puisait en lui la joie qui liait la famille malgré la situation très modeste surtout pendant la guerre. Elle avait un fort engagement social et humanitaire. Cest donc par elle que jai découvert Dieu, et que jai compris que la foi en lui devait se manifester par un intérêt concret pour les autres... Dans ma jeunesse jai acheté pas mal de livres, et même une Bible catholique, la Cannunitius. Jéprouvais déjà une faim spirituelle et la vie de Jésus me captivait. Pour payer mes études jai travaillé dans une famille juive. Je voyais la différence entre leur façon dobserver le sabbat et notre manière dobserver le dimanche. Et je pensais quun jour je garderais aussi le sabbat tout en suivant Jésus. Ce sont des conférences Bible et Archéologie qui mont fait connaître les adventistes. Mon intérêt pour lart et la culture me poussait vers larchéologie, et ma soif spirituelle vers la Bible. Javais beaucoup de questions, et les réponses mont été données en étudiant le cheminement de Dieu avec son peuple et avec les individus. Je suis heureuse davoir connu les adventistes. Vous avez sculpté le retour de Jésus, un sujet typiquement adventiste. Comment vous est venue lidée de cette sculpture ? Fascinée par lhistoire de Jésus, jai exprimé ce que jai compris de sa naissance en sculptant une madone à lenfant, puis de sa mort avec une pieta. Jétais encore catholique quand je les ai faites. Pour moi, javais trouvé en lui la délivrance du péché et je devais lexprimer. Devenue adventiste, jai découvert la force de sa résurrection et son lien avec son retour grâce à Actes 1 : 1-11. Il ma fallu sept ans détude, de maturation et de prière pour concevoir Maranatha, et sept mois au cours de 1980 pour le réaliser. Jai voulu mettre laccent sur la personne de Jésus, tout en montrant que nous ne sommes pas en mesure de voir sa face glorieuse. Jai donc fait une statue du Christ, mais où le visage est complètement masqué par un nuage. Jai choisi de le faire en marbre blanc pour montrer sa beauté et sa pureté. Je me suis inspirée de la vision dApocalypse 19 pour graver sur son vêtement son nom « Roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Je lai gravé en lettres hébraïques à cause de la beauté des lettres et de leur richesse de sens symbolique. Je me suis aussi appuyée sur la consolation donnée par Paul aux Thessaloniciens à propos des morts (1 Thessaloniciens 4 : 13-18) pour représenter Jésus revenant sur les nuages et immobile au-dessus de la terre sans y poser les pieds. Les plaques de plexiglas représentent cette distance. Mais jai voulu montrer surtout limpact, pour les hommes, de ce retour en faisant des mains tournées vers la terre et accueillantes pour les hommes, comme pour répéter lappel de Matthieu 11 : 28-30 : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Jai enfin voulu rappeler le prix que Jésus a payé pour nous sauver en représentant les marques de la crucifixion sur ses pieds. Dix ans plus tard, jai sculpté la résurrection en mêlant dune manière spéciale le marbre blanc et le marbre noir. Jai ainsi complété les grandes étapes du ministère de mon Sauveur. Et lorsque je regarde aujourdhui Maranatha, quinze ans après, je trouve que cette sculpture na rien perdu de sa beauté et de son message, et je comprends mieux que Dieu a été près de moi pour réaliser cette uvre dans une période difficile pour moi. Quelle sera votre prochaine sculpture ? Comment choisissez-vous le sujet de vos uvres ? Je ne sais jamais comment sera ma prochaine uvre ! Je travaille sur plusieurs projets en même temps, afin de ne pas en rater un par fatigue à force de ne voir que cette uvre-là. La forme, la tension, lharmonie, tout doit impressionner celui qui verra luvre pour quil ne loublie jamais. Mes uvres spirituelles sont fondées sur la Bible et contiennent un message, parfois avec une double signification, comme Lazare qui montre à la fois la résurrection et la libération du péché. Elles sont les plus difficiles à concevoir, car elles exigent une longue étude de la Bible, beaucoup de prière et une intense relation avec Dieu. A lapproche de lan 2000, je vais insister sur la femme. Car la femme artiste, et en particulier sculpteur nest pas encore aussi bien acceptée que lhomme. Je vais travailler sur des thèmes comme la fertilité et lamour, et essayer dexprimer cette vie que Dieu fait rayonner en moi. En effet, les gens qui visitent mes expositions disent quils remarquent ce rayonnement de vie dans mes uvres, alors que la plupart des sculptures leur semblent mortes. Vous arrive-t-il de rater une uvre ? Quest-ce qui vous permet de dire quune sculpture que vous faites est réussie ? Consultez-vous dautres artistes ou dautres personnes ? Pourquoi ou pourquoi pas ? Il me faut des années pour dire quune uvre est réussie. Quand les autres et moi-même y perçoivent encore après des années ce rayonnement, je me dis quelle est réussie et quelle me survivra. Je prends aussi toutes mes précautions techniques : dans le choix des blocs de pierre, et dans le test des grands blocs. Jai beaucoup damis artistes dans lEglise et en dehors, et je respecte leurs points de vue. Mais je me tiens à lécart de lart sans contenu, et de ceux qui utilisent les uvres des autres. Vous enseignez. Quels sont les trois principaux conseils que vous donnez à vos élèves qui commencent à sculpter ? En art, on ne peut quaccompagner les élèves. Je leur conseille de développer leur propre personnalité, de chercher à faire comprendre ce quils sont en train de faire, et dêtre des exemples. Une de mes élèves a dit un jour : Bertha ma appris la pierre, la sculpture, et surtout ce quest une forme. Lorsque vous exposez, avez-vous loccasion de partager votre foi ? Comment ce témoignage est-il perçu ? Oui. Mes uvres sont un témoignage spirituel. Des milliers de gens voient chaque année Maranatha, la résurrection, la repentance. Beaucoup de catholiques y trouvent un message magnifique. Un prêtre ma dit un jour : Madame, si nous ne pouvions plus rien dire de la Parole de Dieu, vos pierres ne cesseraient de parler ! Comme tous les artistes, vous êtes très sensible. Quest-ce qui vous inquiète le plus aujourdhui ? Quest-ce qui vous réjouit le plus ? Ce qui me trouble le plus, cest le chaos qui se manifeste dans notre société, dans les familles et même dans lEglise parfois. Les gens, même ceux dhumbles conditions, recherchent le plaisir, largent et les positions de pouvoir. Mais ce qui me procure le plus despoir pour lavenir cest la promesse que Dieu a faite de répandre abondamment son Esprit sur toute vie. Cela me donne le courage de marcher chaque jour avec Dieu, et dêtre un témoignage vivant de la grande délivrance offerte par Dieu et qui nous ouvre un avenir despoir et damour par la réconciliation avec Dieu. Si vous naviez plus quune sculpture à réaliser, laquelle feriez-vous ? Question difficile ! Chaque fois que jentreprends une uvre denvergure, je pense que ce sera la dernière... Et puis je viens dacheter 4 tonnes de marbre !!! Je pense tellement que cest Dieu qui ma donné le don de la sculpture, quavec lui mon travail créatif ne sarrêtera jamais. Interview par Bernard Sauvagnat. Bernard Sauvagnat soccupe du département des Communications à lUnion franco-belge des églises adventistes , Paris. Adresse de Bertha Saveniers : Jacob Smitslaan, 76 ; 2400 Mol ; Belgique. |