|
||||||
|
||||||
Lars Justinen : Dialogue avec un illustrateur et peintre adventiste Russel Holt
Avez-vous toujours été conscient que vous aviez des talents artistiques, par exemple que vous pouviez dessiner ? Oui. Lart a toujours joué un rôle important chez nous et dans ma vie. Ma mère était peintre amateur, et elle gardait des piles de papier journal et des tas de crayons. Très jeunes déjà, mon frère et moi nous allongions par terre et dessinions les jouets que nous souhaitions avoir. Quand je repense à cela aujourdhui, je crois que cétait certainement une meilleure expérience pour nous que davoir de vrais jouets. Avez-vous suivi des cours de peinture ? Ma mère était membre dun groupe de femmes peintres. Chaque fois quelles sortaient peindre dans la nature, je traînais derrière ma mère, peignais et mamusais beaucoup. Quand jeus treize ans, ma mère minscrivit à un cours privé de peinture pendant quelques semaines. Comment avez-vous décidé de faire de la peinture lactivité de votre vie ? Je suis arrivé à la peinture par la voie détournée détudes médicales et dentaires. Je fis ma prépa de médecine à Walla Walla College, tout en passant mon diplôme dart ! En dehors du fait que jaimais la peinture, je pensais que les écoles de médecine verraient dun bon il quelquun ayant un diplôme inhabituel, au lieu des traditionnels diplômes de chimie. Mais, au cours de cette année, jappréciai tellement la peinture que je me dis : « Si je vais en médecine, je naurai pas de temps pour la peinture. » Je maiguillai donc vers la prépa de dentiste. Javais déjà pris beaucoup de cours de prépa médicale qui étaient aussi donnés en prépa dentaire. Mon plan était simple : être dentiste trois jours par semaine pour avoir un niveau de vie confortable, et consacrer le reste de mon temps à la peinture ! Lannée suivante, je manquai dargent. Je quittai donc lécole et revins à Victoria, en Colombie-Britannique, afin de gagner assez dargent pour finir luniversité. Je passai les quatre années suivantes à mener la vie proverbiale du peintre sans le sou, dune chambre de bonne à lautre. En fin de compte, je sus que javais le talent et la capacité de vivre de mon art. Jeus quelques interruptions. Je publiai une plaquette qui fut bien reçue. Je commençai à regarder les artistes ayant réussi en me disant : « Je pense que je pourrais y arriver. » Quelle fut la première uvre que vous avez réussi à vendre ? Le tout premier dessin que jai vendu était un pastel représentant un coucher de soleil. Je le vendis cinq centimes. Javais sept ans. Javais fait ces dessins pour un projet de lécole du sabbat, et les membres déglise les achetèrent. Ma mère en acheta quelques-uns quelle conserva. Je dois toujours en avoir au moins un quelque part. Cest écrit « cinq centimes » dans le coin. Je me rappelle aussi mêtre fait un peu dargent plus tard en peignant des aquarelles sur des cartes de papier blanc et en les vendant à des touristes. Mais, professionnellement, ma première vente se fit dans une galerie. Japportai deux peintures à une galerie pour les faire encadrer, mais je fus surpris que la galerie propose de les exposer. Je priai beaucoup pour que Dieu fasse que cela se produise, dune manière ou dune autre. Et il le fit ! La galerie vendit les deux peintures, et je reçus deux cents dollars pour chacune. Cette expérience me donna confiance en moi et montra que je pouvais vraiment vivre de mon art. Pouvez-vous décrire le processus de création tel que vous lexpérimentez ? Est-ce quune illustration naît simplement dans votre imagination ? Faites-vous dabord beaucoup de recherches ? Est-ce une sorte dinspiration sans effort ou simplement beaucoup de sueur ? Les deux à la fois ! Chaque fois que je fais une uvre de création, jy apporte tout ce qui a pu marriver dans le passé. Cest lune des raisons pour lesquelles jencourage les jeunes artistes à faire beaucoup dexpériences. Cest pourquoi la pratique est si importante. Le processus de création ne se fait pas sans un saut de ce que lon sait vers ce que lon ne sait pas. Cest la part de « talent » du processus, et la plus difficile à mettre en place. Mais sans les outils, vous restez un amateur. Les outils et lexpérience sont ce qui sépare un enfant créatif avec ses pastels dun artiste professionnel qui a une image mentale de son objectif et qui sait comment utiliser les outils pour latteindre. Parmi vos activités, laquelle vous donne le plus de satisfaction personnelle ? Et réciproquement, quappréciez-vous le moins ? Le moins ? Les dates limites ! Ce qui me donne le plus de satisfaction personnelle ? Savoir que je ne perds jamais vraiment toutes ces heures passées à créer. Je peux prendre un magazine de 1986 et regarder une illustration que jai faite, et là, je vois encore toutes les heures et leffort quil ma fallu pour créer cela. Cest un motif de satisfaction. Un autre est de savoir que, certainement à toute heure du jour ou de la nuit, quelquun quelque part regarde une illustration, une plaquette ou une couverture de livre que jai faite. En un sens, du fait de la quantité de travail que je produis, je suis constamment en train de parler aux gens par mon art, et cest une satisfaction. Avez-vous une peinture préférée, une que vous aimez plus que toutes celles que vous avez faites ? Ma peinture préférée est toujours la prochaine que je vais peindre. Pour être franc, la plupart de mes uvres, une fois terminées, sont un peu en deçà de ce que javais espéré. Une fois par hasard, quelque chose va être à la hauteur de mon attente. Il est rare quune uvre dépasse mon attente. Mais cest ce qui est amusant là-dedans : essayer pour voir si on peut faire une illustration parfaite. La technologie affectant tous les domaines de la vie, comment ressentez-vous ses effets dans lart ? Ils vivifient et peut-être réhabilitent. Aujourdhui, dans lédition, le peintre a un rôle beaucoup plus central à jouer dans le travail dimpression quil y a dix ans. Lénergie créatrice reste la même, mais lexécution a été automatisée. Tel que je le vois, le résultat est une réhabilitation de lartiste. La technologie ma stimulé. Jai acheté mon premier ordinateur à un moment de ma carrière où je sentais que je possédais à fond la plupart de ce que jétais censé faire. Brusquement, je me retrouvais à nouveau complètement novice, apprenant à faire sur lordinateur ce que je faisais sur dautres supports. Javais limpression dêtre retourné à lécole ! Jaime la juxtaposition des moyens traditionnels et de la pointe de la technologie dans mon travail. Et on peut les mélanger ; ils se complètent vraiment. Et cest amusant ! Votre femme est elle-même une artiste. Quel rôle a joué votre famille dans votre carrière ? Jai énormément de chance davoir une femme qui nest pas seulement ma meilleure amie, mais aussi ma collègue et ma meilleure critique. Nous nous complétons professionnellement. Récemment, je suis devenu père pour la deuxième fois, et les enfants ont réduit les longues heures que je passais à travailler. Je ne veux pas manquer de les voir grandir. Comment pensez-vous que votre foi chrétienne affecte votre travail dartiste ? Dieu colore tout dans la vie dun chrétien. Ma foi maffecte dune manière concrète, comme dans le genre de travail que je vais accepter. Une fois, jai été contacté pour faire une affiche pour un fabricant de bière. Loffre était inté-ressante, mais je dus la décliner. Il y a un prix à payer pour être chrétien. La plus grande conséquence, cependant, est que tout le travail de création devient un prolongement de la nature créatrice de Dieu. Il nous a créés à son image, et je crois que cela inclut la capacité de créer des choses nous-mêmes. Le travail de création peut être un travail spirituel. Récemment, un jeune homme qui travaillait pour vous a été baptisé. Racontez-moi comment cela est arrivé. Randy travaillait pour nous dabord en tant quanimateur. Nous avons appris plus tard quil nous observait attentivement, ma femme et moi. Il remarqua que nous fermions tout le samedi et allions à léglise. Nous avions travaillé sur un livre traitant du baptême. Un jour, il me dit : « Je voudrais aller dans votre église. » « Ce serait génial, répondis-je. Je serai heureux de passer te prendre sabbat prochain. Je pense que tu apprécieras cette visite. » « Non, me dit-il. Je veux me joindre à votre Eglise ! » Voilà quelquun qui voulait se joindre à lEglise adventiste, alors quil navait jamais encore mis les pieds dans une église. Il suivit les rencontres de Net 96 et répondit à la première invitation à se faire baptiser. Qui a le plus influencé votre vie personnelle et professionnelle ? Deux personnes. Une avec qui jai passé presque toute ma vie, et une autre avec qui je nai passé quun seul jour. La première est ma mère. Elle ma toujours encouragé. Elle eut la sagesse de me faire découvrir de nouvelles choses : musées, livres, art. Jai appris delle que le talent doit être mis en valeur et amélioré. Lautre est Harry Anderson, qui nous a quittés récemment. Je ladmire, parce que, dans son uvre, je reconnais dabord les principes de composition et la compréhension de la lumière. Quand jétais jeune, nous avions des livres à la maison avec ses illustrations, et je pouvais voir les possibilités quoffrait la peinture. Jai eu le privilège de passer un jour entier avec Harry Anderson, chez lui, dans le Connecticut. Il était si bienveillant et si intelligent ! Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui se sent attiré par lart et envisage den faire son métier ? Premièrement, ayez une quantité raisonnable de talent artistique. Cela peut être subjectif, donc portez votre travail à un peintre professionnel et demandez-lui une évaluation franche. Deuxièmement, engagez-vous. Un peintre devrait avoir le même sens de lengagement que quelquun qui veut devenir juriste ou médecin. Et, enfin, entraînez-vous. Si quelquun veut devenir premier violon dans un orchestre, il devra passer plusieurs heures par jour à répéter. Un peintre ne peut faire moins. Certains ont cette vision romancée quil suffit de sasseoir et que le dessin coule de vos doigts. Cela ne se passe pas ainsi. Interview par Russel Holt. Russel Holt est vice-président pour la production à la Pacific Press Publishing Association, à Nampa, Idaho, et auteur de nombreux articles et livres. Adresse de Lars Justinen : 110 12th Avenue South ; Nampa, Idaho 83651 ; U.S.A. E-mail : INTERNET:lars@jcg.com. 1. Les manuels en français ont une couverture différente. (N.D.T.) |