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Linda Hyder Ferry : Dialogue avec un médecin « pour un temps comme celui-ci » Jonathan Gallagher
Quest-ce qui vous a conduite à ce combat missionnaire et dynamique contre le tabac ? Ma spécialité est la médecine préventive et la santé publique. Le Seigneur ma continuellement poussée dans une direction précise. « Linda, semblait-il dire, tu tintéresses à la médecine préventive. Et le problème le plus grave qui pourrait être prévenu aujourdhui, cest le tabagisme. Quest-ce que tu fais à ce sujet ? » Jai senti que Dieu voulait que je porte un regard critique sur ce problème et que je cherche de nouvelles solutions. Une fois cet intérêt fixé, les portes se sont ouvertes au bon moment. Vous auriez pu vous spécialiser dans de nombreux domaines différents. Pourquoi les problèmes liés au tabac ? Trois raisons peut-être. Premièrement, ma perspective adventiste et ma croyance dans le message de la santé. Au début de mon travail dans le domaine de la santé publique, je me suis rendu compte que si les gens pouvaient arrêter de fumer, ils vivraient plus sainement, profiteraient mieux de la vie et pourraient mieux servir les autres. Deuxièmement, mon travail en tant que directrice médicale de lunité de traitement des dépendances au Veterans Hospital à Loma Linda. Il consistait à traiter des patients souffrant de problèmes médicaux dus à des dépendances chimiques (à lalcool, lhéroïne, la cocaïne, les amphétamines). Mais à la fin de leurs programmes de réhabilitation, ils avaient encore en sortant de lhôpital des paquets de cigarettes dans leurs poches. Je me demandais : « sils ont pu se sortir de toutes sortes de drogues dures, pourquoi ne peuvent-ils pas laisser tomber la nicotine ? » Troisièmement, mes responsabilités en tant que directrice des internats de médecine préventive à Loma Linda University. Cest en concevant un programme pour cesser de fumer que je suis tombée sur des recherches intrigantes. La première étude montrait que les gens qui essaient darrêter de fumer et qui échouent sont plus susceptibles dêtre dépressifs. La deuxième était une enquête sur des milliers de fumeurs qui montrait que presque un tiers dentre eux avaient des symptômes de dépression. Enfin, un collègue psychiatre ma confié que ses patients, traités au bupropion pour dépression et déficit de lattention, lui rapportaient quils navaient plus cette envie irrésistible de café, de chocolat ou de cigarette quils avaient auparavant. Cest tout cela qui ma amenée à penser que les antidépresseurs pouvaient aider à cesser de fumer. Alors comment avez-vous travaillé à partir de votre idée ? Dans le cadre de ma première tentative de recherches, jai recruté ma mère, infirmière à la retraite, comme assistante. Je navais pas les fonds pour en payer une. Les internes en médecine préventive mont fait tout le travail gratuitement. Jai acheté les médicaments et payé les tests en laboratoire avec une subvention attribuée au corps enseignant de Loma Linda University. Une fois létude pilote achevée, les fabricants de bupropion ont proposé des fonds pour continuer le programme de recherches. Le résultat ? Fumer du tabac crée une dépendance dans le cerveau, puisque la nicotine contrôle le centre nerveux du plaisir et de la gratification. Lutilisation du bupropion change cette chimie du cerveau. Chez certaines personnes, le bupropion diminue lenvie de nicotine alors quelles fument encore, et, en lespace dune semaine, la cigarette peut ne plus avoir bon goût. Une fois quune personne sarrête de fumer, le bupropion stabilise les messagers chimiques dans le cerveau, où travaille la nicotine, et amoindrit les symptômes de retrait de celle-ci. Pourquoi lutilisation de médicaments est-elle importante ? Pourquoi ne pas souligner la force de la volonté ? Les gens disent si souvent : « Pourquoi sennuyer à donner tous ces médicaments ? Arrêter de fumer, cest tout dans la tête. » Oui, cest tout dans la tête, et cest une question de chimie. Ce dont les non-fumeurs ne se rendent pas compte, cest que les médicaments réordonnent les humeurs, affectent la chimie neurologique des fumeurs et leur laissent limpression dêtre normaux. Que dire à ceux qui pensent quil faut seulement prier ? Oui, il faut prier ! Mais il y a dautres choses à faire en plus de la prière. Apprenez aux fumeurs à modifier leur comportement et préparez-les psychologiquement à vivre sans dépendre de la nicotine. Après tout, cest Dieu qui a créé la chimie de notre cerveau. Il a fait les humeurs et les émotions. Lorsque des substances nocives détruisent léquilibre neurochimique du cerveau et que celui-ci ne fonctionne plus normalement, pourquoi ne pas apporter une aide pour corriger le problème ? Surtout si le bupropion nest pas une substance qui va créer un nouveau problème ou une nouvelle dépendance. Mais quest-ce que la nicotine fait exactement ? Qui est le vrai tueur ? La nicotine en elle-même nest pas nécessairement ce qui tue les gens. Cest elle qui « accroche » votre cerveau pour que vous continuiez à consommer du tabac. Ce sont les 4 800 produits de combustion du tabac qui vous tuent. 30 % de toutes les maladies du cur, tueur numéro un aux Etats-Unis, sont liées au tabagisme. 85 % à 90 % des cancers du poumon lui sont dus. Probablement 30 % de tous les cancers aussi. Un autre tueur, cest la BPOC (broncho-pneumopathie obstructive chronique). Une amie pneumologue ma dit récemment quelle naurait plus de travail si les gens arrêtaient de fumer ! Le tabac est aussi responsable de nombreuses maladies vasculaires, autre tueur important. Ainsi donc, le tabac explique la mort de 434 000 personnes chaque année aux Etats-Unis, dont la majorité meurent dix à trente ans avant lâge. Où en sommes-nous maintenant ? Ny-a-t-il pas moins de gens qui fument ? La consommation de cigarettes a vraiment accéléré dans les années vingt et trente. Les statistiques ont continué à grimper durant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle on donnait gratuitement des cigarettes aux soldats. Après la guerre, la consommation de tabac a atteint son apogée et plus de la moitié des Américains fumaient. Le premier signal dalarme a été tiré en 1964, quand le ministre de la santé a accusé le tabac dêtre un danger pour la santé. Depuis lors, la consommation a baissé de 1 à 2 % par an. Mais depuis 1994, ce déclin semble avoir cessé et la proportion de fumeurs stagne aux alentours de 25 % de la population américaine. Est-ce quarrêter de fumer, cest simplement aller voir son médecin et obtenir une ordonnance pour du Zyban ? Le traitement des comportements de dépendance ne se fait pas simplement en altérant la chimie du cerveau, même si cest important. La dépendance, cest comme un triangle, et la dépendance neurochimique nest quun des trois côtés. Les deux autres côtés aider les gens à changer de comportement et faire face aux raisons de la dépendance psychologique sont aussi essentiels. Puis, bien sûr, il y a laspect spirituel. Dans mes cours pour cesser de fumer, je souligne quil faut utiliser toutes les ressources, y compris les spirituelles, pour vaincre la dépendance. Comment êtes-vous arrivée à cette profession, qui est clairement devenue un ministère pour vous ? Je suis enfant unique. Jai eu la chance davoir des parents chrétiens. Daussi loin que je me souvienne, mon père me lisait quelque chose tous les soirs. Mon histoire biblique préférée, cétait celle de la reine Esther. Quand jai pu lire moi-même, je lavais déjà tellement demandée que mon père lavait mémorisée. Jai été profondément touchée par cette histoire dune petite fille qui navait rien à espérer de lavenir. Dieu la plaça en un endroit où elle a contribué à sauver la vie à des milliers de ses compatriotes. Cette histoire ma fascinée toute ma vie, surtout la phrase de Mardochée à Esther : « Et qui sait si ce nest pas pour un temps comme celui-ci que tu es parvenue à la royauté ? » (Esther 4.14.) Et si vous faites demi-tour et que vous maccomplissez pas le plus difficile, Dieu trouvera quelquun dautre. Quand le Seigneur ma conduite vers la santé publique, il narrêtait pas de me dire : « Linda, le problème de santé le plus grave aujourdhui, cest le tabagisme. Que vas-tu faire pour y remédier ? » Jai simplement prié : « Je ne sais pas quoi faire, Seigneur. Dirige-moi sil te plaît. On dirait quil ny a pratiquement rien que je puisse faire pour changer quoi que ce soit. Mais je continuerai à te suivre. » Et Dieu a réellement changé les choses dans ma vie. Quel est laspect le plus gratifiant de votre travail ? Me tenir avec ma mère, mon infirmière volontaire dans les premières recherches, devant un large public, et être reconnue comme un élément moteur de ce traitement là où il en est aujourdhui. Penser à tous ceux qui seront sauvés dune mort prématurée, et à une Amérique en meilleure santé. Servir Dieu par un ministère aussi gratifiant. Propos recueillis par Jonathan Gallagher. Jonathan Gallagher est directeur des informations à la Conférence générale des adventistes du septième jour. * Au moment de linterview, le bupropion nétait pas encore disponible hors des Etats-Unis dAmérique. |