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La vie incroyable de Jack Jolena Taylor King Quel nom donnerez-vous à ce petit bâtard ? » lance brutalement la sage-femme, le regard froid. Et sans attendre aucune réponse de la stoïque jeune immigrante allemande, elle ramasse son sac et sort avec un grognement pour toute salutation, laissant derrière elle son commentaire affligeant. Katie serre dans ses bras son minuscule bébé et enfouit son visage dans sa couverture. « Comment puis-je te protéger de telles souffrances ? » murmure-t-elle. Elle versera encore bien des larmes en tentant délever seule son fils Jack dans les ghettos de Chicago pendant la dépression des années trente. Dès la première rentrée scolaire de Jack, Katie se demande si Dieu na pas un plan particulier pour ce fils, né de père inconnu. En effet, sa courte vie est déjà ponctuée dune série de miracles. Elle inscrit Jack dans une école catholique où il sépanouit grâce à lamour et aux bons soins prodigués par les surs. Un jour, alors que Jack a presque dix ans, sa mère arrive en trombe dans lappartement de Chicago quils partagent avec des parents compatissants. « Nous partons pour lAllemagne ! Cest fantastique ! » La transition des taudis de Chicago à la campagne idyllique de lAllemagne est spectaculaire. Jack aime instantanément la ferme, ses grands-parents, ses oncles, sa tante et les animaux à tel point que la décision est prise de prolonger dun an son séjour en Allemagne. Toutefois, quand Katie se prépare à monter dans le train pour son voyage de retour, Jack réagit violemment. Il saccroche à sa bien aimée maman en criant : « Sil te plaît, ne me laisse pas ici ! » Paniqué, terrorisé, il vient de comprendre que sa mère part sans lui. Il ne la reverra pas avant une année ! Si les membres de sa famille avaient su durant combien dannées il serait en fait séparé de sa mère, peut-être que tous auraient pleuré. Finalement, ses oncles larrachent à sa mère malgré ses cris et ses coups de pied. Katie, en larmes, monte rapidement dans le train, le cur brisé par létrange réaction de son fils. Un dernier coup de sifflet et sa mère est partie. Partie en Amérique. Partie. Pendant plusieurs jours, Jack pleure sans arrêt. Ni la tendresse de sa grand-mère, ni ses bons petits plats narrivent à le consoler. Mais petit à petit, il shabitue à la vie rude de la ferme. Comme loncle Fritz vient de partir pour larmée, son grand-père a bien besoin de lui. Jack se sent important. Six jours par semaine, de laube à la nuit, il participe à tous les travaux de la ferme. Il aide également à traire les vaches matin et soir. Très vite, il parle allemand aussi bien que ses camarades de lécole du village. Toutefois, lété venu, il compte les jours le séparant de son départ pour les Etats-Unis, la maison et sa mère. Les lettres de sa maman sont empreintes de joie à lidée des retrouvailles. Malheureusement, au début du mois de septembre, quelques jours avant le départ de Jack, Hitler envahit la Pologne. La Seconde Guerre mondiale vient déclater. Jack ne quittera pas lAllemagne. « Peut-être que la guerre ne durera pas longtemps », se dit le jeune garçon avec optimisme. Il sattèle encore plus vigoureusement à la tâche puisque son oncle Joseph est aussi parti faire la guerre. Tous les travaux de la ferme reposent sur grand-père, Connie et Jack qui doivent herser, labourer, semer, faire les foins, désherber, abattre les arbres, moissonner, vanner et faucher avec des machines agricoles plutôt rudimentaires et un attelage de bufs. Grand-mère égrène avec anxiété son chapelet et murmure les noms de ses fils en travaillant. Les rires se sont tus ; lheure est à la survie. Les privations font partie du quotidien, interminablement, mois après mois. Après trois années très dures, sans jamais avoir pu communiquer avec sa mère, Jack termine sa huitième année scolaire avec un souhait. Il évalue les possibilités : continuer à travailler dur à la ferme ou se préparer à entrer à luniversité. Puisque lingénierie lintéresse tant, peut-être pourrait-il devenir pilote ! Comme il aimerait cela ! « Je ne tempêcherai pas daccomplir tes rêves », lui dit son grand-père dun ton las. « Tu éviteras peut-être dêtre envoyé sur le front avant la fin de tes études. » Prisonnier dun camp de travail « Comment puis-me rendre à lécole dingénierie de Knigswusterhausen ? » demande au chef de gare un Jack piaffant dimpatience. Le train sébranle enfin. Lexcitation de Jack est telle quil se désintéresse complètement du panier de victuailles préparé par sa grand-mère. Je me demande si quelquun viendra maccueillir à la gare ? Un jeune et grand soldat est bien là à sa descente du train. « Votre nom ? » « Bien. Suivez-moi. » Le nazi, au visage impassible, précède Jack de quelques pas pendant près dun kilomètre. Puis le jeune garçon voit avec stupéfaction des barbelés. Il suffoque. Ce nest pas une école ! Cest un camp de travail nazi ! Et cet homme est un garde nazi ! Quelle triste réalité ! Ni lui ni ses misérables compagnons de captivité navaient le temps de sapitoyer sur leur sort. Bien quhabitué à se lever à quatre heures du matin, jamais Jack na travaillé lestomac pratiquement vide. Les prisonniers reçoivent du pain et de leau, en fait, il y a plus deau que de pain dans leur régime alimentaire. Leurs minces paillasses grouillent de cafards, de poux, de puces et autres vermines. Malgré le froid perçant, ils nont quune mince couverture pour se couvrir. Afin de survivre, ils se couchent tout habillés avec chaussures et manteaux. Lodeur âcre de corps jamais lavés remplit les baraques. A cause du froid intense, du travail physique trop dur et de la privation de nourriture, le corps solide de Jack fond rapidement. Jack passera deux pénibles années dans ce camp et tentera de sévader à quelques reprises, mais sa vie sera protégée par une suite de miracles incroyables. Finalement, la guerre terminée, il retourne chez ses grands-parents. Comme Fritz et Joseph sont morts pendant la guerre, Jack sattelle vigoureusement à aider son grand-père. Le pays est en ruine, la poste ne passe plus et Jack pense de plus en plus à sa mère, à Chicago et à la maison. Retrouvailles Des événements étonnants permettent à Jack de retrouver sa mère et de faire connaissance avec son mari Lee et Marie, leur fille de quatre ans, sa nouvelle petite sur. Son beau-père remarque très vite que toute cette liberté monte un peu trop à la tête de Jack. Comme Lee est propriétaire dun café restaurant, Jack a essayé tous les postes du restaurant : de plongeur à cuisinier de nuit. Voyant que son fils sest lié damitié avec les membres plutôt douteux dune bande du voisinage, Katie insiste : « Jack, il faut que tu finisses ton école secondaire. » Mais oui, et il faut que je travaille dix heures par jour avec cela ? » répond Jack dun ton sarcastique. En fait, son langage est devenu si vulgaire que sa mère sursaute chaque fois quil ouvre la bouche. Lee entend alors parler des cours du soir offerts par luniversité de Chicago et Jack décide de les suivre. Son esprit vif absorbe avec avidité léducation qui lui a fait défaut pendant toutes ces années. Ses études lui permettent aussi de séloigner de ses grossiers amis. Toutefois, son langage est toujours aussi vulgaire. Finalement, un aimable professeur lui explique pourquoi il y a tant de marques rouges sur ses travaux. « Ce genre de langage nest pas de mise dans une société polie », lui dit-elle. Jack décide de faire de réels efforts pour changer. Suit ensuite une période de vie très tumultueuse pour Jack. Il quitte également léglise de son enfance, ce qui afflige sa mère. Lors dune fête où lalcool coule à flots, Jack, très enivré, se couvre de ridicule devant une foule de gens. Peu de temps après, le service militaire loblige à interrompre ses études. Il senrôle dans lU.S. Air Force en espérant tourner le dos pour toujours à la restauration. Il trouve le vrai modèle La publicité montre des héros jeunes et vaillants, virils et forts, fermes et loyaux, aux mâchoires décidées, au regard droit, aux manières impeccables. Jack cherche un héros, un modèle, une vie exemplaire quil pourrait imiter. La réalité est malheureusement tout autre. Les héros ont disparu. Tous les hommes semblent pouvoir sacheter, il suffit dy mettre le prix. Quelle déception pour Jack ! Une conviction simpose graduellement à son esprit : Jésus-Christ est lunique personne digne de respect. Il prend alors une décision remarquable : Christ sera mon exemple. Le Saint-Esprit a commencé son uvre miraculeuse. La vie de Jack se transforme. Il abandonne ses mauvaises habitudes. Ainsi, la cigarette, lalcool et le langage vulgaire disparaissent presque instantanément. Ses distractions, ses lectures et son régime alimentaire se modifient lentement et sûrement. Une Bible, quil trouve à la librairie de la base militaire, devient sa source dinformation et dinspiration. Un jour, Carl, un autre soldat, propose de lui prêter La tragédie des siècles. Il lui dit : « Jai remarqué ton intérêt pour les choses religieuses. » Il lui parle également des cours de Bible par correspondance quil suit avec beaucoup de plaisir. Un miracle de la providence après lautre permettent à Jack et à Carl de se faire baptiser dans les eaux bleues dun lagon de lîle de Guam. Pensant que sa mère sera contente du tournant que sa vie vient de prendre, Jack lui écrit une courte note juste avant son baptême où il lui explique son amour retrouvé pour le Christ et son désir de le suivre là où il le mènera. Quelques jours plus tard, il se dépêche douvrir ce quil croit être la réponse de sa mère. Abasourdi, il lit : « Si tu fais cette chose stupide (se faire baptiser et entrer dans une église protestante), [ ] tu ne seras plus le bienvenu dans notre famille et tu ne seras plus accueilli à notre table. [ ] Je suis peinée [ ] Tu tournes le dos à ta famille et à Dieu [ ] » La lettre est courte et brutale. Les reproches cuisants de sa mère blessent Jack et sèment la confusion dans son esprit. Toutefois, après réflexion et prière, il arrive à la conclusion que lamour de Dieu triomphera. Il prend la décision décrire chaque jour à sa mère pour lui exprimer son amour et sa reconnaissance. La poste demeure muette. Les jours, les semaines, les mois passent. Chaque jour, Jack envoie une lettre. Entre-temps, il fréquente activement la mission de lEglise adventiste du septième jour de lîle, lit tous les ouvrages de la bibliothèque et adopte le style de vie adventiste. Il découvre aussi que la vie militaire pose beaucoup plus de défis lorsquon observe le sabbat. Finalement, sa mère commence à répondre à ses lettres. Peu à peu, ses dispositions changent et elle semble se réjouir de son retour à la maison. Jack a alors une idée : Je vais trouver ladresse dune église adventiste à Chicago et je demanderai au pasteur daller la visiter. Peut-être sera-t-elle prête pour le baptême, à mon arrivée à la maison. Une assistante pastorale va bel et bien rendre visite à sa mère, mais Jack, fort déçu, reçoit ensuite une lettre de cette femme. « Jai le regret de vous dire que je nai pas pu commencer à donner des études bibliques à votre mère. [ ] Le Saint-Esprit a sûrement un autre plan pour elle. » La lettre est aimable et gracieuse, mais il était évident que sa mère nétait pas intéressée. Jack jette la lettre au panier. Personne ne connaît maman comme moi, je men occuperai à mon retour, se dit-il. Puis changeant didée, il reprend lenveloppe au cas où ladresse qui y est inscrite pourrait lui être utile un jour. Plus tard, il découvrira que la main de Dieu sétait encore manifestée à cet instant ! Pour connaître la suite de cette histoire, lisez Jack, An Incredible Life (Review and Herald, 1998), un récit passionnant où lon voit Dieu à luvre dans la vie pleine daventures de cet homme. Dr Jack Blanco est actuellement doyen du département de Religion à Southern Adventist University. Jolena Taylor King travaille au département des Ressources humaines de McKee Foods Corporation à Collegedale, Tennessee. Mme King et son mari Roger, un dentiste à la retraite, vivent au sommet dune montagne. Ils profitent de la compagnie de leurs petits-enfants et aiment la randonnée, le jardinage, la lecture, les rencontres sociales et beaucoup dautres passe-temps. Leur adresse : P.O. Box 3302 ; Collegedale, Tennessee 37315 ; U.S.A. |