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Kim Gangte : Dialogue avec une adventiste députée au Parlement de l’Inde Dorothy Eaton Watts
Comment avez-vous été amenée à vous occuper des droits de lhomme ? Jai vu des femmes et des enfants mourir. Jai vu des villages incendiés. Jai vu des femmes dont les maris avaient été tués dans les combats. Jai vu tant de violations des droits de lhomme, subies spécialement par des femmes et des enfants. Des milliers de personnes étaient sans toit ni nourriture. Il fallait que je fasse quelque chose. Pour rencontrer les femmes, je me suis rendue dans des coins reculés, en franchissant parfois les montagnes à pied. Je leur ai montré comment sorganiser et jai commencé à leur enseigner leurs droits. Jai tenu des ateliers de formation. La majeure partie de mon salaire était absorbée par ce travail social. Je suis devenue aussi animatrice de la All India Radio et journaliste indépendante pour des magazines. Jai écrit sur les droits de lhomme, sur lautonomie des femmes et sur les droits de lenfant. Pourquoi avez-vous quitté lenseignement pour entrer en politique ? Je voulais changer les situations que je voyais. Parfois jen pleurais. Parfois je hurlais. Parfois je me fâchais. Mais pleurer, hurler et se bagarrer napportaient aucun changement. Alors, je suis rentrée dans ma chambre, je suis tombée à genoux et jai prié : « Seigneur, envoie quelquun sil te plaît pour aider mon peuple tout comme tu envoyas Moïse pour guider ton peuple vers la terre promise. » Je me suis rendu compte que nous avions besoin de quelquun au sein du groupe où sélaborent les politiques à suivre. Jai voulu trouver quelquun à qui je puisse accorder mon appui, quelquun qui mobiliserait les femmes, les enfants et les jeunes. Jai essayé pendant trois ans de trouver une personne de ce genre, mais jai été déçue quand ceux dont je pensais quils mettraient leur pouvoir au service du bien, sen sont plutôt servi à leur profit et pour leur famille. Je me suis demandé sil fallait que je me porte moi-même candidate à un poste électif. Il me faudrait abandonner ma position denseignante à la faculté. Jai dû lutter pour prendre cette décision. Si jabandonnais le salaire payé par la fac, comment mes parents mangeraient-ils ? Comment pourrais-je continuer mon travail social ? Mais cétait une idée persistante. À nouveau, je suis allée dans ma chambre, jai fermé la porte à clé et jai prié : « Ô Dieu, si ta volonté nest pas que je sois candidate aux élections, ôte-moi sil-te-plaît cette idée de lesprit. » Jai jeûné et prié durant plusieurs jours. Lidée se fit plus forte. Deux mois avant les élections, jai démissionné de mon poste denseignante et de nombreuses personnes mont dit que jétais sotte dabandonner cet emploi stable. Mais je savais que Dieu voulait que je prenne part à lélection et quil prendrait soin de moi. Quels obstacles avez-vous eu à affronter durant les élections ? Le jour précédent les élections, les rebelles ont proclamé linterdiction de voter pour Kim Gangte. Jai apporté le texte en question aux observateurs électoraux mais ils nont rien fait. Le lendemain, je suis allée au bureau de vote, mais des insurgés en armes étaient là, afin dempêcher tout le monde de voter. Les forces de sécurité gouvernementales étaient absentes. Les gens sanglotaient. Nous nous sentions tous si impuissants. Au bureau de vote suivant, et au suivant encore, cétait pareil. Personne navait la permission de voter. On ne ma pas laissé prendre la parole. Tout dun coup, des gens armés mont enlevée pour mempêcher de continuer la tournée des bureaux de vote. Jétais tellement fâchée... Je leur ai dit : « Vous devez respecter les droits de lhomme. Ceci est la pire violation des droits de lhomme. Vous devez laisser les gens voter. Les femmes pleurent parce quelles veulent voter. Dites-leur de voter contre moi, mais il faut que vous les laissiez voter. » Au bout de trois heures, on ma laissé partir. Pourtant, les insurgés se trouvaient encore aux bureaux de vote, où ils menaçaient la population. Jai pensé quil était inutile de poursuivre la tournée. Je suis revenue à Imphal et quand mes partisans mont vue, ils ont pleuré. « Ne vous en faites pas, leur ai-je dit, le Seigneur est là ! » Des groupes de femmes ont jeûné et prié toute la nuit. Moi aussi, jai prié. Que demandiez-vous dans vos prières ? Dans mes prières, je nai jamais demandé à être élue. Jai dit : « Seigneur, si telle est ta volonté et si tu veux que je rende justice à ton peuple, je le ferai. » Jai lu les Psaumes et jai prié. « Seigneur, tu connais la puissance de mes adversaires, mais tu es là. Tu es le Dieu qui provoqua la chute de Jéricho. Tu es le Dieu de David, qui a triomphé en toi. Tu es un Dieu qui peut agir sur les urnes du scrutin afin que tous apprennent que tu règnes encore. » Le lendemain matin, mon adversaire avait une avance de 22 000 voix. Le soir venu, elle était de 6 000 voix. Le surlendemain matin, cette avance fut ramenée à 4 000 voix et laprès midi venu, à 3 000. Ce soir-là, javais pris une avance de 364 voix. Après quon eut reçu le compte des 40 derniers isoloirs, jétais en tête, avec une marge de 2 500 voix. Dieu avait fait ce miracle, pour nous. Quel est votre message pour les chrétiens qui voudraient sengager en politique ? Il est bon que les chrétiens simpliquent dans la vie publique de leur pays. Je tiens Moïse pour lun des plus grands hommes politiques parce quil aimait les gens et quil sacrifia son trône pour le bien de son peuple. Bien des gens disent que la politique est un jeu malsain et ne tiennent pas les politiciens en odeur de sainteté, bien au contraire. Sans aucun doute, il y a des dangers. Mais les personnes animées par des convictions religieuses devraient participer à la politique pour que celle-ci reste propre. Si les politiciens ont les mains propres, la vie politique le sera et le peuple en bénéficiera. Jai une définition très simple de la politique : faire de la politique, cest aimer les gens, tenir compte des valeurs humaines, respecter les droits de lhomme et servir le peuple. Mon objectif est daider les gens. Cela nimplique peut-être pas de leur lire la Bible, mais cela veut dire quon met en uvre les enseignements des Écritures, en allant aider de manière pratique ceux qui en ont besoin. Les journaux ont publié des accusations portées contre des missionnaires, soupçonnés dintroduire en Inde des fonds destinés aux insurgés. Avez-vous pu faire quoi que ce soit pour contrebalancer, auprès des hauts fonctionnaires, de telles déclarations ? En compagnie de certains de nos dirigeants dÉglise, jai rencontré M. L. K. Advani, ministre de lIntérieur de lUnion indienne. Je lui ai dit : « Vous me connaissez depuis un bon nombre dannées et vous savez comment je me suis battue pour les pauvres et les opprimés. Si vous avez confiance en moi, alors vous devez avoir confiance en mon Église. Cest lÉglise qui ma élevée et ma appris les valeurs que je défends. Jai été éduquée dans le système scolaire des adventistes du septième jour. Je connais les dirigeants dÉglise. Ces histoires quon raconte sur eux sont des ragots. Je sais quils sefforcent seulement daider les pauvres et les gens dans le besoin de ce pays. » Envisagez-vous un rôle quelconque tenu par lÉglise adventiste dans la lutte pour les droits de lhomme en Inde ? Oui, lÉglise adventiste du septième jour peut jouer un rôle important. Jaimerais voir des adventistes rendre visite aux prisonniers et leur apporter des livres. Jaimerais les voir simpliquer dans les programmes dalphabétisation. Lune des causes du si grand nombre dinsurgés caractéristique du Nord-Est tient au chômage. Je pense que lÉglise pourrait jouer un rôle plus important dans la mise sur pied dorganismes de formation professionnelle pour les jeunes. Nous avons besoin denseigner aux gens les compétences leur permettant de gagner leur vie. Le gouvernement appréciera que notre Église sengage dans des activités apolitiques de cet ordre. Que ressentez-vous à lidée dêtre le premier membre adventiste du Parlement indien ? Dieu a répondu à mes prières. Il ma donné loccasion de servir le peuple et de montrer quil est un Dieu immense et quil continue aujourdhui de vivre et dêtre à luvre. Propos recueillis par Dorothy Watts et Dittu Abraham. Dorothy Eaton Watts est secrétaire adjointe de la Division de lAsie du Sud des adventistes du septième jour. Dittu Abraham est le directeur du département de la Comunication de cette division. À New Delhi, ladresse de Kim Gangte est : Kim Gangte, M.P. ; Manipur Bhavan, Sardar Patel Marg ; New Delhi, 110 001 ; Inde. Son adresse personnelle est : Kim Gangte, M.P. ; G-69, Type-III, Langol Housing Complex ; Lamphel, Imphal 795 004, Manipur ; Inde. |