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Alois Kinder : Dialogue avec un homme d’affaires adventiste en Autriche Hans Matschek
Vous considérez-vous comme un self-made man ? Pas vraiment. Voyez-vous, je nai jamais été seul. Jai toujours senti la direction de Dieu dans ma vie. Tout ce que jai fait, dont Optimo, est un don de Dieu. Il a donné les talents, la motivation et la compétence pour aller de lavant. Il ma aidé à transformer tout handicap en possibilité. Je navais pas dinstruction. La guerre avait amené ma famille à quitter notre maison et tout ce que nous avions en Yougoslavie. Cependant, je nai jamais été seul. Dieu a été bon pour moi. Depuis lépoque où vous avez fondé Optimo, vous vous êtes investi si totalement dans ce projet que tous ceux qui vous connaissent disent que vous étiez marié à Optimo. Même ma femme a dit ce genre de plaisanterie ! Mais aucun effort ne peut connaître le succès sans un engagement total. Bien sûr, cela ne signifie pas quon doive être si préoccupé par les affaires que les relations avec Dieu ou avec sa famille, par exemple, en soient affectées. Quand nous construisions lentreprise, jai été déchiré entre mon désir dobtenir le succès dans les affaires et mes devoirs de mari et de père. Il était assez fréquent que je travaille tard le soir et que je parte ensuite pour un voyage daffaires. Il y eut des moments où je trouvais difficilement le temps dêtre avec ma famille. Cependant, jai toujours su que je ne pouvais pas laisser les affaires entamer mon amour pour ma famille et mon intimité avec elle. Plus important, ma femme et mes enfants le savaient également. La maisonnée était entre les mains très sûres de ma femme. Elle comprenait fort bien ma situation. Et je remercie Dieu de ce que nos trois filles avaient les mêmes sentiments. Aujourdhui, le monde des affaires est rude et il est difficile dy trouver de la bienveillance. Cela a-t-il été votre propre expérience ? La vie semble avoir considérablement changé ces dernières années. Juste après la Seconde Guerre mondiale, quand la pauvreté était générale, les gens nétaient pas aussi arrogants et indifférents les uns envers les autres quils le sont aujourdhui. A cette époque, lorsque je visitais les clients, je parvenais à les connaître ainsi que leur famille. « Jetez un coup dil à la maison ! » était une invitation que jentendais régulièrement. Je connaissais les enfants. Souvent, ces enfants allaient prendre la tête de lentreprise de leurs parents et devenir eux-mêmes mes clients. A cette époque, la bienveillance était attendue et donnée gratuitement. Aujourdhui, à lère de la super technologie et de la concurrence déloyale, tous et tout semblent être devenus les rouages dune gigantesque machine. Un mur invisible sest élevé entre les individus, dans la société, sur le lieu de travail et même dans lEglise. Vous voulez dire que la froideur et la méfiance se sont glissées partout Cest sûr. Laissez-moi raconter une expérience personnelle. Il y a peu de temps, je visitais un client et il ma dit : « M. Kinder, ayez la gentillesse de vous asseoir ici et de ne pas aller au magasin de meubles ! » Jétais surpris et ne savais pas comment réagir à une telle phrase. Bien que je veuille faire un tour dans ce magasin, comme je le faisais dhabitude, je me suis retenu de le faire. Lexplication vint plus tard. On craignait que je puisse espionner pour la concurrence. Une idée ridicule, mais les choses sont ainsi aujourdhui. Dans le monde difficile des affaires, est-il possible de mettre en pratique les principes chrétiens ? Encourageriez-vous des adventistes à entrer dans ce monde ? Oui, je le ferais certainement. Mais il est important davoir des principes solides et de sy tenir. Pratiquement tous mes partenaires savent que je ne bois pas ou que je ne fume pas, et ils sabstiennent de faire certaines choses quand je suis avec eux. Ils acceptent cela et, en fait, ils respectent mes principes. Les gens aiment faire des affaires avec ceux qui ont une réputation dintégrité. Comme le dit notre Seigneur : « Que votre oui soit oui et que votre non soit non. » (Matthieu 5.37) Quelle ampleur lentreprise Optimo a-t-elle prise ? Au début, Optimo ne fabriquait que des cadres de lits. Plus tard, on ajouta les matelas. Aujourdhui, nous pouvons à juste titre dire que nous sommes responsables du repos et du sommeil sain des Autrichiens. Je nexagère pas en disant que la plupart des Autrichiens et beaucoup dAllemands dorment sur nos produits. Nous desservons mille magasins de meubles en Autriche, en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Scandinavie et même en Israël. Trente-neuf pour cent de notre production est exportée. Les relations humaines jouent un rôle primordial dans le succès dune entreprise. En tant quentrepreneur et homme daffaires accompli, que diriez-vous à ce sujet ? Sans des relations humaines adéquates et appropriées, rien ne peut parvenir au succès dans la vie. Même quand on prend des décisions difficiles et peut-être négatives, on ne doit pas porter atteinte à la dignité de lautre personne. Jai toujours tenté de respecter la valeur humaine des autres. Cest très important. Les gens le perçoivent et tendent à en faire autant. Une telle approche a aussi des conséquences pratiques. Jusquà ce jour, les syndicats ont été incapables de poser le pied dans notre entreprise et, par conséquent, denfoncer un coin entre la direction et les travailleurs. Ils continuent de venir de temps en temps pour tenter de convaincre nos ouvriers de les rejoindre, mais personne nest intéressé. A Optima, comment résout-on les problèmes sur le lieu de travail ? Les cadres doivent faire preuve de compréhension et dempathie. A Optimo, nous cherchons à comprendre le point de vue des gens avant de nous attaquer au problème. Il est parfois nécessaire de faire un peu de chemin ce mille de plus pour rencontrer les gens où ils sont. Depuis mon départ à la retraite, ma tâche spécifique est de dialoguer avec nos ouvriers. Beaucoup dentre eux ont bien des problèmes. Leur mariage bat de laile. Des femmes ont besoin dhoraires flexibles pour assumer leurs responsabilités familiales. Chaque employé est différent, et chaque problème est différent. Nous essayons découter. Nous montrons de la compréhension. Cette sorte de relation crée généralement une bonne ambiance sur le lieu de travail. Les patrons dentreprise sont souvent autoritaires avec leurs ouvriers. Quen est-il à Optimo ? Une entreprise peut être menée de deux manières. Premièrement, la manière autocratique. Le directeur établit le règlement, définit les objectifs et attend des travailleurs quils fassent leur boulot. Le travail est réalisé, mais à quel prix ! La seconde manière est la plus agréable. Ladministrateur considère les ouvriers comme des partenaires. Ils se serrent les coudes. On donne et on prend. On coopère. Le travail devient une aventure partagée. Cest ce quOptimo a tenté de faire. Jai souvent rejoint les employés à leur établi. Ceux qui travaillent avec moi sont mes amis. Ils ont souvent de meilleures idées sur la manière de rendre une tâche plus rapide et plus efficace. Je men suis rendu compte et jai de la considération pour eux. Nous cherchions ensemble à atteindre le même objectif professionnel. Avec ce genre dambiance dans lentreprise, chacun peut donner le meilleur de lui-même. En tant que chrétien et homme daffaires exemplaire, que diriez-vous de votre philosophie des affaires, et que conseilleriez-vous à de jeunes adventistes projetant de se lancer dans les affaires ? Ma philosophie des affaires est plutôt simple. Nous sommes les gestionnaires de ce que Dieu nous a confié. Que ce soit les affaires, lindustrie, léducation ou toute autre profession, ce que nous avons ne nous appartient pas. Cest un don de Dieu, et nous devons prendre conscience que Dieu est le propriétaire et manifester notre capacité à gérer. Le succès et lépanouissement personnel viendront naturellement si lon sengage dans cette voie. Les jeunes adventistes qui aspirent à entrer dans les affaires ou dans lindustrie doivent sassurer que leurs intentions sont motivées par le désir daccomplir la volonté de Dieu pour eux. Le matérialisme pourrait difficilement être la motivation. Devenez un canal des bénédictions de Dieu et vous connaîtrez la joie véritable et lépanouissement. Propos recueillis par Hans Matschek. Hans Matschek enseigne langlais au séminaire adventiste de Bogenhofen, en Autriche. Ladresse dOptimo est : Industriezelle 10 ; 5280 Braunau, Autriche. E-mail : windisch@optimo.at |