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Joan Coggin : Dialogue avec une ambassadrice internationale de la santé Richard Weismeyer
Docteur Coggin, vous êtes peut-être mieux connue en tant que cofondatrice de léquipe itinérante de chirurgie du cur, de luniversité de Loma Linda. Comment cette idée est-elle née et a-t-elle été mise en uvre ? Léquipe cardiologique a été créée alors que la chirurgie à cur ouvert en était à ses premiers pas. Le docteur Ellsworth E. Wareham et moi-même travaillions au centre médical White Memorial de Los Angeles. Comme de nombreux hôpitaux ne pratiquaient pas la chirurgie du cur à cette époque-là, nous opérions un jour par semaine à lhôpital général du comté de Los Angeles. Chaque semaine, nous chargions le cur-poumon artificiel et tout léquipement nécessaire à cette chirurgie dans le coffre de la grande voiture du docteur Wareham. Cest ainsi que lidée germa : « Si nous pouvions charger tout cela dans une voiture et le transporter dans un autre hôpital, quest-ce qui nous empêcherait de le faire dans dautres pays ? » A peu près à la même époque, le vice-président des Etats-Unis, Lyndon Johnson, alors en déplacement au Pakistan, rencontra un chamelier et linvita dans son ranch au Texas. Au même moment, la fille dun contremaître dusine pakistanais avait besoin dune chirurgie du cur, ce qui nétait pas envisageable au Pakistan. Après avoir lu un article sur la chirurgie du cur à luniversité de Loma Linda, le contremaître pakistanais se dit que si un chamelier pouvait senvoler vers les Etats-Unis au bon gré du gouvernement américain, alors sûrement sa fille, qui en avait bien plus besoin, pouvait bénéficier de la même faveur. Afsahn Zafar, quatre ans, fut opérée avec succès au White Memorial. Presque aussitôt après son retour à la maison, lambassade des Etats-Unis au Pakistan fut submergée de demandes similaires. Cest alors que le vice-président Johnson nous appela et nous demanda si nous pouvions exporter notre chirurgie cardiaque à létranger. Et que se passa-t-il ? Lappel de Johnson nous sembla presque providentiel. Nous avions discuté dune telle possibilité depuis plusieurs mois. En deux mois, nous étions en route pour le Pakistan (en 1963), et léquipe cardiologique était née. Je crois quil est bon davoir des rêves et de ne pas craindre léchec. Quel a été limpact de léquipe cardiologique ? Lun des impacts le plus important concerne la vie des patients. Une autre conséquence concerne la médecine internationale. Quand cette idée a été initialement conçue, il nexistait aucune équipe médicale internationale. Quelle que soit la personne à laquelle nous en parlions, celle-ci pensait quil était impossible à une équipe chirurgicale de voyager à travers le monde pour réaliser des protocoles de chirurgie à cur ouvert. On nous donnait tout un tas de raisons. Nous avons examiné chacune delles et trouvé la façon de contourner la difficulté. Quand nous voyageons, lun de nos buts en plus daider autant de personnes que nous le pouvons est denseigner notre concept. Dans de nombreux pays, le concept de léquipe, tel que nous le pratiquons aux Etats-Unis, nexiste pas. Quelles sont vos expériences les plus mémorables ? Je suis impressionnée par les centaines de patients qui se sont « rajoutés » grâce à laction de notre équipe. Si nous étions restés chez nous, ils ne seraient pas en vie aujourdhui. Après avoir visité la Grèce en 1967 et 1969, jy retournai une nouvelle fois. Dune façon ou dune autre, la nouvelle de ma visite arriva jusquà lune de mes précédentes patientes. Elle vint à lhôpital avec sa jolie petite fille de trois ans et exprima sa gratitude à léquipe pour lui avoir sauvé la vie. Au fil des années, vous avez reçu de nombreux prix. Lequel vous tient le plus à cur ? Le prix que je chéris le plus est une couverture de laine rouge qui ma été donnée par le père dune jeune fille que nous avions opérée en Grèce. Son employeur lavait amenée à Athènes depuis la Crête, pour quelle puisse être opérée. Lintervention chirurgicale se passa bien, mais des complications se produisirent en phase post-opératoire. Après que ses parents eurent été avertis, son père fit le voyage jusquà Athènes. Par lintermédiaire dun interprète, je lui expliquai la gravité de létat de santé de sa fille. Il finit par comprendre et les larmes commencèrent à couler le long de ses joues. Nous étions certains que sa fille nallait pas sen sortir. Mais lui était sûr quelle allait vivre. Il nous dit : « Vous priez pour vos patients. » Miraculeusement, elle survécut. Quatre ans plus tard, nous fîmes le voyage jusquen Crête et rendîmes visite à ses parents dans leur petit village. Cet attachement réciproque que nous avions établi quatre ans plus tôt, en dépit de la langue, existait toujours. Nous pleurions tous alors que nous nous étreignions. Au moment du départ, le père mapporta une couverture de laine rouge que sa femme avait tissée elle-même. Cest ma plus belle récompense. En tant que directrice de léquipe cardiologique, vous avez eu loccasion de rencontrer de nombreux chefs dEtat. Lequel dentre eux vous a le plus impressionnée ? Deux dentre eux. Tout dabord Lyndon Johnson. Il était très chaleureux. Quand vous le rencontriez, vous aviez limpression dêtre son ami. Il avait une attitude très cordiale et réaliste que je trouvais étonnante. Lautre chef dEtat qui a marqué ma mémoire est le roi Constantin de Grèce. Je lai rencontré pour la première fois en 1967 par lintermédiaire de sa mère, la reine Frédérika. Il était très agréable et avait un sens de lhumour aigu. Son gouvernement fut renversé fin 1967, et lui et son épouse, la reine Anne-Marie, sexilèrent en Angleterre. Pendant des années, jenvoyai à sa mère des aliments végétariens et il en fut très impressionné. Son épouse, la reine Anne-Marie, appréciait les livres de recettes végétariennes joints aux envois. Comment vous est venu lintérêt pour la médecine ? Je ne connaissais réellement aucune autre vie que celle de médecin. Je fêtais mon second anniversaire à Loma Linda quand mon père commença ses études de médecine. Jai grandi en désirant devenir médecin. Avez-vous toujours voulu être cardiologue ? Non. Au départ je voulais être pédiatre. Une des raisons pour lesquelles jai changé davis est quil arrive souvent quun enfant soit au plus mal un jour et parfaitement bien le lendemain. Ce que jaime en cardiologie cest que lon peut arriver à comprendre où est le problème. On a des pistes. On a lhistoire du patient. Si le cur produit un certain son, on sait immédiatement où est le problème. Comment vous êtes-vous intéressée à la cardiologie pédiatrique ? Quand jai commencé à pratiquer la médecine, la plus grande partie de la cardiologie pédiatrique était assurée par des cardiologues dadultes. Jai réalisé que jappréciais les défis de la maladie cardiaque congénitale ces pathologies cardiaques que lon voit le plus souvent chez les enfants. Jai alors rejoint lhôpital pour enfants malades de Toronto, et complété mes études à lhôpital Hammersmith de Londres. En regardant votre carrière de médecin, quels sont vos moments les plus satisfaisants ? Voir des gens souffrant dincapacité quils soient jeunes ou vieux et puis les voir aller bien de nouveau. Cest ce qui rend la médecine si gratifiante. Quest-ce qui est décevant en médecine ? Ne pas être capable daider ses patients. On se sent si impuissant, et le patient meur. Mais cela se produit bien moins souvent aujourdhui quà lépoque de mes débuts. Récemment, jai jeté une diapositive de cours intitulée « Cas de cardiologie pour lesquels il ny a pas de traitement ». Sur cette diapositive étaient listés 12 cas. Aujourdhui ces 12 cas peuvent être traités avec succès. Je suis effarée quand je pense aux progrès que la médecine va faire dans les cinquante prochaines années, si nous en avons le temps ! Quelle influence votre foi chrétienne a-t-elle eue sur votre carrière professionnelle ? Ma foi a eu une influence très directe et significative. Etre chrétien devrait engendrer des rapports de compassion et de compréhension. Et ceci, quelle que soit la profession, mais tout particulièrement en matière de santé. Dans les temps de maladie et durgence, les gens sont plus vulnérables. Etre capable de dispenser à la fois une compassion bienveillante et une espérance sont des buts quotidiens quavec tous les autres médecins chrétiens nous nous efforçons datteindre. Propos recueillis par Richard Weismeyer. Richard Weismeyer est directeur du bureau des relations universitaires pour luniversité de Loma-Linda. Le docteur Coggin peut être contacté au bureau des Affaires internationales ; Université de Loma Linda ; Loma Linda ; Californie 92350 ; U.S.A. Fax : 909-558-4116. E-mail : jcoggin@univ.llu.edu |