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Marilyn C. Savedra : Dialogue avec une infirmière adventiste, éducatrice et chercheur Humberto M. Rasi
Quest-ce qui vous a amenée à choisir la profession dinfirmière ? Ce fut presque par accident. Etant au lycée, il me fallait trouver un job dété afin de gagner de quoi payer mes frais de scolarité pour lannée suivante. Je suis allée au New England Sanitarium and Hospital, une institution adventiste près de Boston, et jai sollicité un emploi dans les services dentretien. On ny avait besoin de personne, mais lhôpital recrutait des gens pour quils suivent une formation intensive daides-soignants et travaillent pendant le reste de lété. Cela ma plu dès le début et jy ai travaillé pendant les deux derniers étés de mes études secondaires. Vos parents vous ont-ils soutenue dans votre choix ? Oui, beaucoup, bien que personne, dans ma famille, nait travaillé dans le domaine de la santé. Mon père, qui au départ nétait pas adventiste, mais lest devenu par la suite, et ma mère étaient très favorables à léducation chrétienne. Avez-vous été encouragée et soutenue pendant vos études supérieures ? Jai eu la chance davoir affaire, à chaque étape, à des enseignants exceptionnels qui ont nourri ma vocation et ont été des modèles de qualités chrétiennes. Ils nous invitaient chez eux, nous autres étudiants, pour partager leur vécu. Certains avaient servi comme missionnaires et leurs récits nous fascinaient. Une de mes mentors, Maureen Maxwell, na jamais cessé de mencourager à terminer mon programme de troisième cycle et au bout du compte, cest ce que jai fait ! Avez-vous connu des difficultés à cause de vos convictions adventistes ? Non, jamais. Les gens étaient au courant, dès le début, de mes croyances religieuses, car je leur en parlais avec tact dès le premier contact et ils respectaient mes valeurs. Plus tard, devenue professeur duniversité, jai subi une pression subtile puisque, pendant des années, les cérémonies de remise des diplômes universitaires se déroulaient le samedi matin. Certains des étudiants qui avaient obtenu leur licence et dont javais guidé les efforts auraient souhaité ma présence, mais javais choisi de me montrer cohérente dans mon observance du sabbat. Une fois, un de mes collègues ma dit : « Ne pourrais-tu pas demander une dispense à ton pasteur afin de pouvoir participer aux cérémonies ? » Je lui ai expliqué quil sagissait dune décision personnelle, qui ne métait imposée par quiconque. Mais les étudiants comprenaient et respectaient mes convictions. Pourquoi avez-vous choisi les soins infirmiers pédiatriques comme spécialité ? Durant la partie initiale de mes études les soins infirmiers de base on ma envoyée en stage au Boston Floating Hospital. Dans une des unités de soin, une infirmière en chef à lesprit progressiste permettait aux parents de rester aux côtés de leurs enfants malades et den prendre soin sous la supervision des infirmières. On considère maintenant cela comme normal, mais à lépoque cétait une approche très novatrice. Jai été interpellée par la dynamique et les résultats bénéfiques dune telle interaction. Cest devenu mon principal domaine dintérêt. Pourquoi avez-vous été attirée par le domaine particulier du contrôle de la douleur ? Aussi récemment que dans les années 70, on naccordait guère dattention au contrôle de la douleur chez les enfants. Plusieurs questions restaient sans réponse : Si les enfants connaissent la douleur, la ressentent-ils au même degré que les adultes ? Ont-ils besoin danalgésiques ? A quelles doses ? Selon quelle fréquence ? Je me suis mise à observer des enfants dâge scolaire hospitalisés pour de graves brûlures. Etre témoin de telles douleurs fut pour moi une expérience éprouvante. Jai travaillé plus tard avec une équipe de chercheurs et nous avons mis au point un instrument dévaluation de la douleur chez les adolescents malades, qui aide le personnel infirmier et les médecins à déterminer lemplacement, la qualité, lintensité, le déclenchement, la durée et les modalités de la douleur des enfants. Cela permet ensuite de préciser la réponse clinique à apporter à la douleur. Comment réagissez-vous face aux frustrations de la vie ? Pour une très grande part, la vie a été bonne pour moi. Pourtant, jai vécu la maladie et la mort de mon mari comme une expérience triste et douloureuse. Ma vie avec Albert avait été incroyablement riche et comblée. Mais en tant que chrétienne, on apprend à accepter et à continuer, faisant confiance en la sagesse et en la grâce divines. Quand je regarde en arrière, il me semble que Dieu ma toujours guidée. Des opportunités se sont présentées et je suis entrée par les portes qui souvraient devant moi. Quel lien établissez-vous entre votre carrière professionnelle et votre foi ? Il ne mest pas possible de séparer ma foi de mon travail. Tous deux sont des parties intégrantes de mon vécu total. Jai adhéré à lEglise adventiste par le baptême quand javais 12 ans et au fil des années, jai continué à mûrir dans ma compréhension du plan de Dieu pour ma vie. Comment faites-vous pour préserver la vitalité de votre relation avec Dieu ? Il me semble important davoir un équilibre entre les dévotions privées et le culte public. La prière, létude de la Bible et les dévotions personnelles nourrissent mon implication dans le culte en groupe, qui se traduit par une présence et une participation régulières à léglise. Mais lun des moments de la journée qui comptent le plus pour moi est celui que je passe à marcher non loin de la baie de San Francisco, sur les quais de la marina de Berkeley, à lécart du téléphone et de toute pression, méditant et priant en silence, en communion avec Dieu. En tant que chrétienne, qualifiée dans sa profession, quelle a été votre plus grande cause de satisfaction ? La réussite de mes étudiants. Cest une grande récompense que de les regarder se prendre de passion pour les soins à apporter aux enfants malades et à leurs familles, puis de les voir continuer pour réussir bien au-delà de ce que jai fait moi-même. Ils sont devenus mes amis et mes collègues ils font partie de ma vie. Encourageriez-vous dautres adventistes à enseigner dans des universités publiques ? Je crois que le Seigneur appelle ses enfants à servir en des lieux divers. Je ne sais pas si je les encouragerais tous à aller dans cette direction. Mais si certains dentre eux se sentent appelés à servir dans un collège ou une université publique, pourquoi pas ? Ce sont de bons endroits pour des chrétiens engagés, surtout sils sont prêts à servir et à travailler dur sans compromettre leur foi et leurs convictions. Auriez-vous à lesprit un personnage biblique qui pourrait servir de modèle aux adventistes menant leur carrière dans un environnement séculier ? Dernièrement, pendant lécole du sabbat, nous parlions de Paul. Il me semble être un exemple de premier plan de chrétien cultivé capable dentretenir des rapports avec des gens de toutes catégories croyants et incroyants, riches ou pauvres, instruits et analphabètes et de témoigner de sa foi dans toutes sortes de contextes. Comment avez-vous été amenée à vous occuper de lAssociation des étudiants adventistes de Berkeley ? Depuis toujours, je me suis sentie interpellée par les étudiants de niveau collégial ou universitaire et jai pris plaisir à les connaître. Alors, quand quelques-uns dentre eux, membres eux aussi de léglise adventiste de Berkeley, se sont mis à discuter de la possible fondation dune association estudiantine qui serait formellement reconnue par lUniversité de Californie à Berkeley, jai eu plaisir à être leur référence auprès des autorités du campus. Les membres de lassociation viennent chez moi le vendredi soir pour un culte vespéral et une légère collation. Pendant lété, leffectif du groupe est de huit à douze. Pendant lannée scolaire, ce nombre est multiplié par trois et nous nous réunissons dans la salle de détente des étudiants à léglise. Ouvrez-vous les activités de lassociation aux étudiants non adventistes ? Cest ce que nous faisons. Il arrive que des étudiants adventistes amènent au service vespéral leurs compagnons de chambre. Ceux-ci, ou dautres, viennent souvent à nos rencontres sociales. Certains sont devenus adventistes grâce à linfluence et au témoignage positifs de ce groupe. Quel conseil donneriez-vous aux adventistes inscrits dans des universités publiques ? Tout dabord, je les encouragerais à chercher à rencontrer, sur leur campus ou dans le voisinage, dautres étudiants adventistes. Leur interaction et leur appui mutuel sont une vraie source de force. Dans certaines circonstances, la meilleure façon de sy prendre est de passer par une association estudiantine. Deuxièmement, sil y a non loin une église adventiste, ils feraient bien de sen rapprocher et de prendre part à sa vie. Troisièmement, je crois que les étudiants doivent prendre le temps nécessaire à leurs dévotions personnelles. Quoique ce ne soit pas toujours facile, il leur faut trouver un lieu tranquille où méditer, étudier la Bible et prier. Non seulement leur foi en sera enrichie, mais cela les préparera aussi à témoigner pour Dieu sur leur campus et partout où leurs pas les porteront. Propos recueillis par Humberto M. Rasi. Humberto M. Rasi (Ph.D., Stanford University) est directeur du département de lEducation à la Conférence générale des adventistes du septième jour, et rédacteur en chef de Dialogue. Adresse postale du Dr Savedra : 1411 Sacramento Street ; Berkeley, Californie 94702 ; U.S.A. E-mail : marilyncs@msn.com |