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Mary Grace Gellekanao : Dialogue avec une pianiste concertiste hors du commun Kimberly Luste Maran
Grace, quand avez-vous commencé à vous intéresser à la musique ? J'avais environ 6 ans quand je me suis vraiment intéressée à la musique et que j'ai voulu jouer d'un instrument. Ma grand-mère m'a donc prise au sérieux et a fait tout son possible jusqu'à ce qu'elle trouve un professeur et puisse le convaincre de me prendre. Mon grand-père était tout à fait d'accord pour me soutenir financièrement. Grâce à leur confiance en moi, j'ai pu découvrir une partie importante de moi-même. Vous avez découvert des possibilités cachées, en effet ! Grâce à Dieu et à mes proches. J'ai rapidement pris conscience de ce qu'était la musique et de ce qu'elle demandait. Cela nécessite beaucoup de volonté et beaucoup de travail. J'ai donné tout ce que j'ai pu à cet art que j'aime tant et maintenant je peux jouer des morceaux difficiles. C'est drôle, mais c'est ma main droite qui joue la partie la plus difficile du morceau. Je reconnais que parfois ça fait mal, surtout quand je joue un morceau avec beaucoup de séquences rapides. Mais je me dis que la douleur que je ressens à chaque note est ce qui rend ma musique si unique parmi les autres. Les applaudissements que j'entends me ravissent parce qu'ils signifient que j'ai rendu les gens heureux. Ils apprécient mes efforts et cela me console et soulage les douleurs de mon avant-bras. Combien de fois avez-vous joué, et où ? Avec l'aide de mon professeur, j'ai décidé de donner un récital d'orgue en 1994, et un récital de piano l'année suivante. Après, les choses se sont vraiment précipitées. L'année la plus inoubliable pour moi fut 1996, car je suis allée faire des concerts dans des tas d'endroits. En février, je me suis produite à Guam, pour le 40 e anniversaire de la clinique adventiste de Guam. Deux mois plus tard, avec mes amis étudiants de l'école de musique, j'ai entamé une tournée de récitals en Europe. Le plus mémorable d'entre eux fut celui que j'ai donné à Francfort, en Allemagne, au Bürgerhaus de Hausen, pour le club familial d'Offenbach. Parmi les spectateurs, il y avait l'ancien ambassadeur des Philippines en Allemagne, Son Excellence Francisco del Rosario. Ensuite, nous avons continué la tournée en Europe et au retour nous sommes passés par Bangkok en Thaïlande. D'autres concerts internationaux ont suivi, me donnant de merveilleuses occasions de partager mes talents musicaux avec mon auditoire, tout en gagnant l'amour et l'appréciation de ma propre famille. Venant de la même culture que vous, vos parents doivent avoir eu du mal à assumer votre handicap physique pendant votre enfance. Mon enfance a été difficile d'une certaine manière, parce que ça a été dur pour mes parents d'accepter le fait que leur aînée soit née avec un handicap physique. J'ai essayé de comprendre leurs réactions face à cette malchance, bien que j'aie été très affectée par leur embarras. Malgré cela, je pense encore que, d'une façon ou d'une autre, j'ai eu la chance que Dieu m'octroie le don de jouer du piano et de l'orgue, ce qui me procure une telle compensation. Je suis heureuse que Dieu ait pu être aussi bon pour moi en permettant à toutes ces bonnes choses de m'arriver. Jouer m'apporte tant de bonheur ! Et bien que les événements ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait, il faut toujours se rappeler que tout ce qui se produit a un sens. Dieu utilise même la plus grossière erreur ou la peine la plus profonde pour faire de nous des personnes de valeur. À quoi ont ressemblé vos études supérieures ? Ma vie d'étudiante a été des plus mémorables. J'ai commencé à me mêler aux autres. Je me suis fait beaucoup d'amis et j'ai vraiment commencé à apprécier la vie et à partager ma musique. Je n'ai pas eu de problème avec ma foi pendant que j'étais en faculté, bien que ce fût une université catholique. Je n'avais pas de cours le sabbat et mes amis, aussi bien que les professeurs, me respectaient et respectaient ma foi. J'ai eu peu d'amis intimes dans ma vie, mais il en est une dont je dois parler. Cette amie m'a aidée à me valoriser, à remplir la place vide dans mon coeur et à me tenir tout près de Dieu. Elle m'a donné le courage d'affronter la vie et m'a aidée à faire confiance aux gens. Lorsque j'étais plus jeune, je ne pouvais pas exprimer mes sentiments à quiconque. Je gardais tout pour moi. J'avais hâte d'éprouver le sentiment d'appartenance, d'être étreinte. Mais je n'avais pas eu beaucoup de tout cela jusqu'à ce que je rencontre cette amie spéciale à la faculté. Comme je l'ai dit, elle a donné plus de sens à ma vie. C'est une vraie bénédiction pour moi d'avoir croisé son chemin et celui de gens comme elle. Grace, je suis curieuse de savoir pourquoi vous avez choisi d'étudier la psychologie et non la musique. J'ai toujours eu le rêve d'être une missionnaire à travers ma musique, de sorte que je puisse apporter un petit quelque chose dans la vie de mon prochain. Je crois qu'associer la psychologie à la musique peut m'aider à être plus efficace en musicothérapie. J'espère aussi pouvoir donner des idées à ceux qui souffrent d'incapacités physiques. Le handicap physique n'empêche pas le succès ou le bonheur. Je veux que les gens le réalisent, je veux veiller à faire que chaque minute de ma vie soit pour Dieu. Je suis sûre qu'être musicienne et psychologue en même temps peut m'aider grandement pour faire aboutir mes désirs. Que pouvez-vous nous dire au sujet de la musicothérapie ? La musicothérapie est l'utilisation systématique de la musique pour soigner les effets physiques et psychologiques d'une maladie ou d'un handicap. Elle s'occupe de l'acquisition de talents et de comportements non musicaux, tels qu'ils sont déterminés par des spécialistes de la thérapie par la musique à travers une évaluation systématique et un programme de traitement. Avez-vous rencontré des difficultés par rapport à vos limites physiques ? Il fut un temps où j'étais un peu déçue, surtout quand il y avait des choses que je voulais faire mais que je ne pouvais pas faire à cause de mon handicap. Par exemple, j'avais besoin d'aide pour couper ma viande à table. Je ne peux pas faire de roller. Je ne peux pas ouvrir un sac en plastique comme tout le monde, et taper à la machine m'est difficile. Je dois porter de lourdes chaussures orthopédiques, ce qui peut être fatigant. Auriez-vous quelques mots à dire ou conseils à donner à nos lecteurs ? N'abandonnez jamais car c'est Dieu qui est à la barre. Parfois, j'ai envie d'abandonner, alors je prie et je trouve en Dieu la force, l'assurance et l'amour dont j'ai besoin pour continuer. Je le remercie car il est toujours là pour moi. Mais ce qui est super c'est qu'il est aussi là pour vous. Mon cantique préféré c'est « Dieu fraiera un chemin ». C'est vrai, il fraiera un chemin pour nous-mêmes si nous avons l'impression qu'il n'y en a pas. J'ai traversé beaucoup de choses depuis mon enfance. Inévitablement, des camarades de classe n'ont pas manqué de m'asticoter ou de me dire des méchancetés qui pouvaient me briser le coeur. Mais depuis mon plus jeune âge, je me souviens que « Dieu ne fait aucun déchet » comme on dit ; et c'est ce dont je voudrais qu'on se souvienne. Chaque être est spécial à ses yeux. Propos recueillis par Kimberly Luste Maran . Kimberly Luste Maran est éditrice assistante de l' Adventist Review. E-mail : marank@gc.adventist.org |