|
||||||
|
||||||
Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Randall L. Roberts L’homme, en mission pour son Dieu, se prépare avant le lever du soleil. Il se réveille calmement, se douche, se rase, s’habille, puis se met à prier. Ses prières terminées – préparation la plus importante pour sa mission – il rassemble ses quelques affaires, prêt à quitter son hôtel et à se rendre à l’aéroport. Il vérifie son billet d’avion une dernière fois. Tout est là, la date, la compagnie et le numéro du vol : 11 septembre 2001, American Airlines, Vol n° 11. Ce qui n’est pas mentionné, c’est sa véritable destination. Si elle l’avait été, on aurait pu lire : « New York, World Trade Center, Tour Nord. » Il est convaincu que ce qu’il va faire honorera son Dieu. Fort de sa conviction, il ferme la porte et quitte l’hôtel pour aller à la rencontre de l’Histoire. Il le fait au nom de son Dieu, précisément en raison du Dieu qu’il sert. Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Voici maintenant un autre homme. Il est en train de courir. En courant vite comme l’éclair, il s’agrippe à la main de la femme. Tous deux courent à travers le pays luxuriant de cette perfection primitive. Ils fuient, cherchant un abri. Ils doivent se cacher ! Dieu arrive ! Ils ont déjà entendu sa voix dans le jardin. Leur cœur bat la chamade, leurs yeux sont hagards. Pourquoi Adam et Ève se cachent-ils du Dieu qui les a créés et qui les aime ? La réponse est assez simple : ils courent et se cachent en fonction de leur compréhension de leur Dieu. En fait, leur tentative de se cacher nous en apprend davantage sur eux que sur leur Dieu. Ils courent et se cachent en fonction du Dieu tel qu’ils le comprennent. Peu importe que ce Dieu les ait aimés assez pour les créer. Sa présence les glace d’effroi. Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Encore un autre homme. Il s’écroule de chagrin. Il avait fait un vœu à Dieu. Mais ce n’était pas le vœu que Dieu désirait. En fait, si l’homme avait pris la peine de jeter un coup d’œil sur l’histoire de son peuple, il aurait compris que l’essence même de son vœu était absolument contraire à la volonté de Dieu. Il aurait découvert que Dieu avait expressément interdit ce qu’il avait justement fait le vœu d’accomplir. Mais qu’importe. Il a fait tout de même ce vœu, selon sa compréhension de Dieu. Et puisqu’il a gagné la bataille, il va maintenant l’accomplir. La triste histoire de Jephté est rapportée dans Juges 11. Étudions quelques versets-clés de cette histoire. « Jephté fit un vœu à l’Éternel et dit : Si tu livres totalement entre mes mains les Ammonites, quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre, à mon heureux retour de chez les Ammonites, sera (consacré) à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. » Jephté marcha contre les Ammonites et l’Éternel les livra entre ses mains. Il battit les Ammonites. « Jephté revint dans sa maison à Mitspa. Et voici que sa fille sortit à sa rencontre avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant?; à part cela, il n’avait ni fils ni fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements et dit : Ah ! ma fille ! tu m’accables, tu es au nombre de ceux qui m’affligent ! J’ai trop ouvert la bouche devant l’Éternel, et je ne puis revenir (en arrière). Elle lui dit : Mon père, tu as trop ouvert la bouche devant l’Éternel, agis envers moi selon ce qui est sorti de ta bouche, maintenant que l’Éternel t’a vengé de tes ennemis, les Ammonites. Et elle dit à son père : Que ceci me soit accordé : Laisse-moi un délai de deux mois ! Je m’en irai, j’irai dans les montagnes et je pleurerai sur ma virginité avec mes amies. Il répondit : Va ! Et il la congédia pour deux mois. Elle s’en alla avec ses amies et elle pleura sa virginité sur les montagnes. Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait. » (Juges 11:30-39, COL). Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Une autre histoire nous attend. Voyez-vous les trois hommes entourant une forme pitoyable couchée sur le sol ? Il s’agit d’un homme, bien qu’à première vue il n’y ait guère de ressemblance. Mais c’est bien un homme. C’est Job, en proie à une terrible souffrance. Et les trois autres hommes qui se pressent autour de lui sont venus pour le réconforter. Et pourtant, ce qu’ils disent nous répugne. Encore et encore, Job se fait dire : « Reprends courage. Redresse-toi. Tu mérites ce qui t’arrive. Tes enfants ont aussi mérité leur sort. Rien ne t’arrive que tu n’aies mérité. » Pourquoi des amis font-ils cela à un compagnon souffrant ? Comment leur cœur peut-il être insensible au point d’en arriver à dire de telles choses à un homme aux portes de la mort ? En fait, la réponse peut être assez simple. Ils le font en fonction de leur compréhension de Dieu. Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Et enfin, une dernière histoire. Un homme marche à grands pas décidés. Ses sourcils se froncent, ses narines frémissent. Il est en colère. Un seul but occupe son esprit : venir à bout d’un groupe se nommant « Le chemin ». Il est prêt à harceler, arrêter ou tuer pour atteindre son but. Il le fera coûte que coûte. C’est pour cela qu’il entreprend son voyage. Il le fait en raison de sa compréhension de son Dieu. Alors qu’il se trouve en pleine mission de destruction, une grande lumière le jette à terre. Il ne pose qu’une seule question à la voix qu’il entend : « Qui es-tu, Seigneur ? » (Actes 9.5, COL) La réponse à cette question va tout changer pour lui. Ô Dieu, que t’avons-nous donc fait ? Voici donc cinq histoires. Cinq histoires soudées ensemble par une simple vérité : le genre de Dieu que nous servons détermine notre façon de vivre. S’enfuir loin de Dieu Vous connaissez bien ces histoires, n’est-ce pas ? Vous avez même pu considérer de quelle façon chaque personnage principal en est venu à se conduire d’une certaine manière, en fonction de sa compréhension de Dieu. Le péché d’Adam et Ève. Leur chute et la perte de leur perfection. Et aussitôt, leur prise de conscience de leur nudité et pour la première fois, un sentiment de honte. Puis, la voix de Dieu se faisant entendre, posant la première et la plus persistante question des Écritures : « Où es-tu ? » Adam et Ève courent et se cachent. Pourquoi se cachent-ils ? Jusqu’à présent, ils ne connaissent Dieu qu’en tant que créateur aimant. Alors pourquoi se cachent-ils ? Est-ce leur peur de la mort ? Leur sentiment de honte ? Leur crainte de Dieu ? Quoi que ce soit, quelque chose dans leur compréhension de Dieu les pousse manifestement à fuir. Le caractère de Dieu incompris Jephté a fait le vœu de sacrifier qui ou quoi que ce soit – selon la version que vous lirez – qui viendrait vers lui s’il revenait victorieux. Il lui suffisait d’être un tant soit peu au courant du passé religieux de son peuple pour savoir que Dieu avait expressément interdit les sacrifices humains. Les nations d’alentour les pratiquaient. Mais ses enfants ne devaient jamais le faire. La connaissance du Dieu de son peuple aurait pu sauver la vie de sa fille. Et pourtant, sa compréhension de Dieu lui suggérait que si seulement il sacrifiait quelque chose d’assez grand, Dieu couronnerait ses efforts de succès. Quelque chose dans sa vision de Dieu l’a poussé à faire cet ignoble vœu. Au tour de Job. Il vient de subir une tragédie comme la plupart d’entre nous n’en connaîtront jamais. Il est donc tout naturel que ses amis soient près de lui pour le réconforter. Mais ce qui est le plus inhabituel, c’est leur façon de le réconforter. Ils le consolent en lui disant qu’il mérite ce qui lui arrive ! Apparemment, leur compréhension de la façon dont les choses fonctionnent dans le monde, et plus spécifiquement, leur compréhension de la façon dont Dieu agit dans le monde, est au cœur de leur discours. « Dieu donne de bonnes choses aux gens bien, et de mauvaises choses aux gens mauvais. Tu passes un mauvais quart d’heure, tu dois donc être mauvais. » Leur compréhension de Dieu est à la base de tout ce qu’ils font et disent. Vivre l’amour de Dieu Et Paul, pour terminer. En fait, au moment où se déroule l’action, son nom est Saul. Saul est mandaté pour détruire la nouvelle secte, pour protéger Dieu de ces disciples de Jésus de Nazareth. Soudain, il est jeté à terre par une lumière et entend une voix venant du ciel qui lui arrachera cette question : « Qui es-tu, Seigneur ? » Saul est tellement transformé par sa nouvelle compréhension de Dieu que non seulement son nom sera changé en celui de Paul, mais que désormais, il sera mû pour toujours par une autre motivation – l’amour. En fait, c’est ce même homme – ce purificateur de la foi – qui dira ensuite : « L’amour de Christ me presse. » C’est son amour qui guide et contrôle tout ce que je fais (voir 2 Corinthiens 5.14). Il a une nouvelle vision, une nouvelle compréhension de Dieu. Ces vieilles histoires sont-elles encore d’actualité ? Notre compréhension de Dieu exerce-t-elle encore une influence aussi directe sur notre vie ? Le récent film d’Hollywood, United 93, semble dire que c’est effectivement le cas. Le film raconte l’histoire d’un vol (dont l’avion est le dernier qui s’est écrasé le 11 septembre 2001) où les passagers comprennent ce qui est en train de se passer et se battent pour prendre le contrôle de l’avion. Ce dernier s’écrasera dans la campagne de Pennsylvanie. Dans une courte scène vers la fin du film, les passagers rassemblent leur courage pour donner l’assaut au cockpit. Au même moment, les terroristes se rendent compte que les passagers connaissent leur destination et sont sur le point de se défendre. La tension monte alors que les terroristes tentent d’atteindre leur destination – Washington D.C – et que les passagers espèrent les en empêcher et peut-être aussi, se sauver eux-mêmes et en sauver d’autres. Au moment crucial, la caméra filme deux scènes. La première dans le cockpit où l’un des terroristes implore l’aide de son Dieu. La seconde scène montre les passagers entassés à l’arrière de l’avion, récitant le Notre Père. Et lorsqu’ils finissent de prier, chaque groupe s’apprête à exécuter ce qu’il croit être la volonté de Dieu. Le genre de Dieu que nous servons détermine notre façon de vivre. Un besoin crucial : comprendre correctement le caractère de Dieu Si cela est vrai, alors il devient évidemment crucial de comprendre Dieu correctement. C’est peut-être pour cela que tant d’années auparavant, Ellen White a écrit ces mots : « Les ténèbres de la méconnaissance de Dieu enveloppent la terre. Les hommes ont oublié son caractère. On l’a mal compris et faussement interprété. Il faut qu’un message venant du Seigneur soit proclamé à notre époque, message lumineux par son influence et salutaire par sa puissance. Nous avons à révéler au monde le caractère de Dieu. L’éclat de sa gloire, de sa bonté, de sa miséricorde et de sa vérité doit se répandre au milieu des ténèbres. »1 Les ténèbres dues à une méconnaissance de Dieu. Un message sur son caractère qui illuminera le monde. Se pourrait-il qu’une bonne compréhension de Dieu soit l’enjeu le plus important que notre monde ait à affronter aujourd’hui ? Avant d’écarter cette assertion comme hyperbole pour le chrétien cherchant à augmenter l’intérêt pour Dieu, considérez le monde dans lequel nous vivons. Il est fracturé par des engagements extrémistes envers des dieux radicaux. Pensons au Moyen-Orient et au terrorisme, une réalité qui constamment se dissimule. Mais pensons aussi à des endroits comme Waco au Texas. Nous pouvons parler de Ben Laden, mais nous devons aussi parler de Warren Jeffs. Nous pouvons nous polariser sur l’Islam militante, mais nous pouvons aussi regarder du côté de l’Irlande du Nord, des protestants et des catholiques. À un moindre degré, mais toujours avec de lourds dégâts, considérons ce qui se passe entre les conservateurs et les libéraux dans les Églises chrétiennes. Serait-il trop simpliste de suggérer que tout ceci est conduit, pleinement et simplement, par notre manière de comprendre Dieu ? S’il est toujours besoin de nous convaincre de l’importance de la manière dont nous comprenons Dieu, considérons ce que dit Haddon Robinson : « Je ne sais pas si vous avez assisté à certaines conférences comme je l’ai fait, mais j’ai entendu des gens se lever et dire : “Regardez, je ne prêche pas de théologie. Je pense que les gens ont besoin de faire l’expérience de Dieu. Je pense que les gens ont besoin de relationnel. Et donc ce que je fais, c’est aider les gens, quand ils viennent [à l’église], à vivre une expérience. Je n’accorde pas beaucoup de temps à la théologie.” « Bon, ai-je pensé, vous allez chez le médecin. Vous lui dites : “J’ai mal à l’estomac.” Le médecin répond : “Eh bien, je dois vous dire je n’attache pas trop d’importance aux médicaments. J’ai appris ça à l’école mais je n’y ai pas accordé trop d’attention. Mon truc, c’est de savoir parler à mes malades. Je veux que les gens se sentent à l’aise en ma présence. Bon, pourquoi ne pas vous ouvrir le ventre pour voir à l’intérieur ?” « Pas votre couteau?; pas mon estomac. «Ça sonne tellement bien n’est-ce-pas ? Nous donnons aux gens une expérience de Dieu. Cependant, si vous avez une foi profonde en Dieu mais une théologie superficielle, vous serez vous-même superficiel, déraisonnable, et vous ferez grand tort aux autres et à vous-même. »2 Haddon Robinson n’est-il pas simplement en train de nous rappeler que le genre de Dieu que nous servons détermine notre façon de vivre ? Même chose pour l’écrivain, grand théologien et pasteur A.W. Tozer :?« Serions-nous capables d’obtenir d’un homme une réponse complète à la question “Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à Dieu ? ” que nous pourrions prédire avec certitude l’avenir spirituel de cet homme. »3 Même idée pour l’archevêque William Temple qui a dit :?« Si votre conception de Dieu est radicalement fausse, plus vous serez dévot, pire ce sera pour vous.?Vous vous ouvrirez pour être modelé par quelque chose de vil. En matière de vie pratique, il vaudrait mieux pour vous que vous soyez athée. »4 Et enfin, Oswald Chambers :?« Il est terriblement possible de faire de nos conceptions de Dieu du plomb fondu versé dans un moule spécial et, lorsqu’il est refroidi et dur, de le lancer à la tête des gens pieux qui ne sont pas d’accord avec nous. »5 Si tel est le cas, nous devons alors nous demander : Qui est notre Dieu ? Quel genre de Dieu servons-nous ? En tant que chrétiens, nous affirmons que Dieu s’est en fin de compte révélé en Jésus-Christ. Un tel aveu nous amène à la réalité que chaque facette de notre compréhension de Dieu doit être vue à travers Jésus. Cela signifie que nous devons le prendre au sérieux lorsqu’il dit : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » (Jean 14.9) Cela signifie que nos relations avec ceux qui pensent comme nous, tout comme avec ceux qui sont en désaccord avec nous doivent être modelées par sa vie. Que notre façon de traiter les pécheurs doit être aussi miséricordieuse que la sienne le fut. Que notre mission, comme la sienne, ne consiste pas à condamner le monde mais à le sauver (voir Jean 3.17). Que nous servons un Dieu aimant, bon, amical, saint, grand, humble. Et que puisque nous servons un tel Dieu, chaque fait de notre théologie et conséquemment, chaque choix de vie concernant notre façon de vivre, chaque action posée dans nos relations avec les autres – tout doit être examiné à la lumière du caractère de Dieu. Car il est difficile d’échapper à cette vérité : notre vie est le reflet du Dieu que nous adorons, connaissons, aimons et servons.
Randall L. Roberts (D. Min., Séminaire de théologie Fuller) est pasteur de l’église adventiste universitaire de Loma Linda, et enseigne la théologie à l’Université de Loma Linda. Cet article est basé sur un sermon qu’il a prononcé à cette église. Son adresse postale : 11125, Campus Street, Loma Linda, Californie 92354, U.S.A. RÉFÉRENCES 1. Ellen G. White, Les paraboles de Jésus, France, Éditions S. D. T., 1977, p. 364. 2. Haddon Robinson, « The danger of A Strong Faith with A Weak Theology », Preaching Today, n° 276, piste 12. 3. A.W. Tozer, The Knowledge of the Holy, San Francisco, Harper, 1992, p. 9. 4. Cité par Haddon Robinson, « The danger of A Strong Faith with A Weak Theology », Preaching Today, n° 276, piste 11. 5. Oswald Chambers, Disciples Indeed, Londres, Oswald Chambers Publications Association, et Marshall, Morgan & Scott, Ltd., 1955, p. 14. |